Si l'approche d'AM2R consiste essentiellement à adapter Metroid 2 au gameplay des épisodes sortis sur Game Boy Advance, Samus Returns tente plutôt de réimaginer le jeu d'origine avec les standards de notre époque, en ne conservant que les grandes lignes. Il est donc toujours question d'éliminer tous les métroïdes de SR-388 au cours d'une aventure relativement dirigiste, le niveau d'acide obligeant le joueur à procéder une zone à la fois étant toujours là et même mieux motivé du point de vue scénaristique. Certains segments bien précis du jeu d'origine sont également repris, de même que les améliorations de la combinaison Chozo, et la structure de SR-388 reste assez fidèle à l'original. Mais la comparaison s'arrête là: Samus Returns est en effet une quasi-refonte de Metroid 2 qui repose notamment sur une direction artistique retravaillée, des monstres repensés et plus vicieux et un level design plus dense, avec en prime quelques nouvelles idées de gameplay. Pour mener ce chantier à bien, Nintendo a mené une collaboration inédite avec le studio madrilène MercurySteam, à qui l'on doit notamment les Castlevania: Lords of Shadow. Pour l'anecdote, les développeurs de MercurySteam sont eux-mêmes de grands fans de Metroid et voulaient initialement réaliser un remake de Fusion, ce qui leur sera refusé par Yoshio Sakamoto (le game director de Super Metroid, Fusion, Zero Mission et Other M, qui a aussi supervisé MercurySteam pour Samus Returns), qui sera néanmoins impressionné par leur enthousiasme et acceptera de leur confier le remake de Metroid 2.
Pour réaliser Samus Returns, MercurySteam a capitalisé sur l'expérience acquise en développant Mirror of Fate, le spin-off 3DS qui se déroule entre Castlevania: Lords of Shadow et sa suite. Non seulement Samus Returns utilise le même moteur graphique, mais MercurySteam a également apporté le même soin aux décors et à l'effet 3D, avec une attention toute particulière pour les arrières-plans. Pendant qu'on explore SR-388, on pourra ainsi admirer en fond les installations Chozo tout comme la faune et la flore de SR-388, ainsi que voir en mouvement des créatures parfois immenses. Au point où on regretterait presque que celles-ci ne constituent pas des ennemis ingame, à l'instar des métroïdes que l'on verra occasionnellement se balader en arrière-plan ou surgir de celui-ci. Inutile de préciser, au passage, que la direction artistique a mis l'accent sur les décors et que les écosystèmes et cavernes de SR-388 n'ont jamais été aussi riches et variés - pas même dans AM2R. Cependant, les joueurs allergiques à la 2,5D (le nom donné au fait d'utiliser des décors et personnages en 3D pour un gameplay en 2D) ne sortiront peut-être pas totalement convaincus de ce Samus Returns, bien que l'animation, réussie dans son ensemble, justifie plutôt bien l'usage de la 3D. En effet, hardware de la 3DS oblige, les modèles 3D de Samus Returns sont parfois vieillots, et c'est tout particulièrement flagrant quand la caméra montre une joute contre un métroïde en gros plan.
« Le contre est une mécanique peu adaptée aux couloirs remplis de monstres et qui trahit quelque peu l'esprit de Metroid en 2D: au lieu de blaster nerveusement à tout va, on en vient à parfois attendre qu'un ennemi fasse quelque chose. »
Car oui, Samus Aran peut désormais - littéralement - baffer les xénomorphes vampires pour mieux leur administrer leur dose de missiles. Dans le sillage de Other M, Samus Returns vise aussi à dynamiser quelque peu l'action avec l'introduction d'un contre (avec le bouton X), sans pour autant prendre les faux airs de beat'em all insufflés par la Team Ninja dans Other M. En temps normal, ce coup de canon aura pour effet de repousser un ennemi qui s'approche de trop près sans d'autre conséquence. Mais placé lorsqu'un ennemi a lancé une attaque qui puisse être contrée (signalée par un effet visuel et un signal sonore), le contre déclenche des simili-QTEs, parfois mouvementés, où le joueur n'a plus qu'à envoyer la sauce (avec ou sans missiles) pour anéantir la cible ou la blesser sévèrement. Amusant lors des combats contre les métroïdes, ce contre pourra néanmoins s'avérer encombrant lors de l'exploration. En effet, le contre est souvent l'option la plus rapide pour éliminer un ennemi de base, et a l'inconvénient de ne fonctionner que pour un ennemi à la fois (sauf quand plusieurs ennemis attaquent, par hasard, au même moment). Ajoutez à cela le (net) regain d'agressivité des créatures de SR-388, et vous obtenez une mécanique peu adaptée aux couloirs remplis de monstres et qui trahit quelque peu l'esprit de Metroid en 2D: au lieu de blaster nerveusement à tout va, on en vient à parfois attendre qu'un ennemi fasse quelque chose pour mieux le réduire en bouillie.
Mais que les sceptiques se rassurent: si on met le contre de côté, Samus Returns respecte fidèlement l'inertie et la fluidité des mouvements de ses prédécesseurs et propose quelques ajouts intéressants, comme une visée libre à 360° avec un viseur laser qui s'adapte selon les cibles. Le changement le plus notable est l'apparition de 4 pouvoirs "Aeion" à débloquer progressivement: il s'agit de pouvoirs de la combinaison de Samus qui fonctionnent à l'aide d'une nouvelle jauge affichée sur l'écran du bas qui peut être remplie en détruisant des ennemis ou en utilisant le contre. Les deux premiers pouvoirs, un scan local de la carte (et des blocs destructibles dans la salle courante) et une armure contre les dégâts physiques, s'apparentent plutôt à des bonus pour aider les joueurs débutants (à quelques rares exceptions pour l'armure), tandis que les deux autres, un tir en rafale et un ralentissement temporaire du temps, seront nécessaires pour vaincre des créatures spécifiques et résoudre quelques énigmes pour débloquer des power-ups. Si leur intérêt pourra sembler discutable chez les vieux fans (en particulier le scan), les pouvoirs Aeion ont le mérite d'être optionnels la plupart du temps et de fonctionner comme des bonus temporaires, une idée qui pourrait sans doute être creusée davantage dans de futurs épisodes pour renouveler l'arsenal de Samus. Efficace dans son ensemble et offrant de bons contrôles, le gameplay de Samus Returns souffre toutefois de deux petits défauts (autres que le contre): d'une part, il n'offre aucun moyen de paramétrer les contrôles, à l'inverse de ses prédécesseurs, et d'autre part, le champ de vision ne permet pas toujours de bien voir les alentours. Il n'est pas rare de devoir viser un ennemi ou un morceau de décor hors de l'écran, un défaut qui aurait facilement pu être corrigé en proposant un dézoom de la caméra dans certaines circonstances.
« Les grands gagnants de ce remake sont sans aucun doute les métroïdes eux-mêmes: judicieusement relookés, plus agressifs et versatiles, ceux-ci sont devenus des adversaires dignes de ce nom. »
En revanche, si Samus Returns demeure perfectible en termes de contrôles, il excelle quand il s'agit d'enrichir et rénover le contenu. Les power-ups à récolter sont autrement mieux cachés que dans le Metroid 2 original et les passages tortueux (avec ou sans boule morphing) sont légion, tandis que le dernier tiers du jeu a été nettement enrichi à tout point de vue et pour le plus grand bien du jeu: comme déjà dit dans la section précédente, il s'agissait en effet du morceau le moins inspiré et le plus linéaire du Metroid 2 original. Et c'est sans oublier, bien sûr, toutes les améliorations de la combinaison Chozo absentes du jeu original qui ont été ajoutées et mises à profit pour l'occasion. Les ajouts de Samus Returns sont tels que la durée de vie en devient généreuse (entendons-nous, pour un Metroid en 2D), puisqu'il faudra entre 10 et 15 heures de jeu pour parcourir le jeu une première fois en prenant son temps et en collectant tous les power-ups - après quoi, les plus motivés pourront relancer une partie en Difficile. Et si la linéarité générale du jeu limite les possibilités de speedrun, finir en dessous de la barre des 3 heures demandera une sérieuse planification de son trajet (sachez toutefois que le jeu tolère jusqu'à 4h de jeu pour les meilleurs bonus de fin). Mais les grands gagnants de ce remake sont sans aucun doute les métroïdes eux-mêmes: judicieusement relookés, plus agressifs et versatiles, ceux-ci sont devenus des adversaires dignes de ce nom, les dernières formes constituant des combats de boss à part entière. Le changement le plus flagrant est à chercher du côté du métroïde Zeta, qui abandonne son apparence grassouillette d'antan pour une forme plus élancée et reptilienne qui n'est pas sans rappeler les xénomorphes d'Alien - une des principales inspirations de Metroid à ses débuts.
La générosité de Samus Returns a toutefois ses limites, car elle mène à certaines longueurs qui s'ajoutent à un jeu qui est par essence répétitif. Comme dans le Metroid 2 d'origine, les métroïdes Gamma sont surreprésentés, et la possibilité pour certains spécimens de fuir temporairement le combat finira par agacer les joueurs les moins patients, d'autant plus qu'il s'agit de la seule forme de métroïde à se comporter de la sorte. Il aurait sans doute été plus judicieux de proposer davantage de bosses inédits (Samus Returns n'en propose que deux, pas spécialement géniaux mais efficaces) pour varier les plaisirs. Le placement de certains power-ups dans l'ensemble du jeu mais uniquement accessibles via des améliorations obtenues vers la fin sonne un peu comme un moyen artificiel de faire revisiter SR-388, bien que la présence de téléporteurs un peu partout réduit heureusement la durée des allers-retours. Pour terminer sur une note plus positive, on saluera l'OST qui combine musiques nostalgiques (quoique convenues) et musiques d'ambiance très réussies, avec quelques clins d'oeil amusants aux pistes étranges (voire maladroites) du jeu original.
Mission accomplie pour MercurySteam: avec son visuel soigné, ses révisions de gameplay comme de level design et son contenu très généreux, Samus Returns constitue un remake copieux de Metroid 2. Les fans les plus hardcore pourront toutefois lui reprocher certains choix au niveau des contrôles, en particulier sa mécanique de contre assez peu adaptée au style de la série (en dehors des combats contre les métroïdes) ainsi qu'un manque flagrant d'options pour la prise en main. On pourra aussi lui reprocher quelques décisions de level design qui allongent la durée de vie de manière un peu artificielle. Quoi qu'il en soit, on n'avait plus vu Samus Aran aussi en forme en deux dimensions depuis Zero Mission sur Game Boy Advance (2004). De quoi redonner de l'espoir pour le futur de la série en 2D chez Nintendo... avec ou sans MercurySteam ?
Conditions de test: ce jeu a été testé avec deux parties en difficulté Normale, une à 100% (environ 12 heures) et une seconde en speedrun (environ 3 heures avec de multiples essais).
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